Pigments est un recueil de poèmes composé par Léon-Gontran Damas et publié en 1937. L’ouvrage met en lumière un appel à une conscience critique. Ainsi, le titre traduit la volonté de l’auteur de dénoncer la politique d’assimilation par l’école de l’Occident opérée sur les peuples antillais.
Léon-Gontran Damas est un écrivain guyanais. Il est né à Cayenne en 1912. Issu d’un père guyanais et d’une mère martiniquaise, il est scolarisé dans l’école coloniale. Après le baccalauréat, il part pour Paris où il entreprend des études de droit. Par la suite, il s’inscrit à l’Ecole des langues orientales où il apprend le russe, le japonais et le baoulé, et rencontre des intellectuels et artistes de diverses origines. C’est ainsi qu’il fait la connaissance d’Aimé Césaire et de Léopold Sédar Senghor, avec lesquels il crée le mouvement de la Négritude. Damas approuve le marxisme et son engagement politique l’amène à devenir député de Guyane de 1948 à 1951. Il voyage dans de nombreux pays en menant un combat consistant à promouvoir les cultures africaines, afin de faire naître un sentiment d’appartenance à une identité africaine. Après 1962, il devient consultant à l’Unesco, chargé d’étudier « la survivance de la culture africaine dans le nouveau monde ». Etabli à Washington à partir de 1970, il enseigne la littérature à l’Université de Georgetown et à l’Université Howard. Il parcourt les États-Unis en donnant de nombreuses conférences, rencontrant ainsi plusieurs auteurs afro-américains comme Langston Hughes et Richard Wright. Victime d'un cancer, il meurt en 1978. Son corps est rapatrié et inhumé à Cayenne.
Damas a écrit plusieurs œuvres : des recueils poétiques dont Pigments (1937), Black-Label (1956) et Névralgies (1966), des Essais comme Retour de Guyane (1938) et Poètes d’expression française (1947), et un recueil de contes intitulé Veillées noires, Contes Nègres de Guyane (1943).
La production intellectuelle de Damas est marquée par la volonté de combattre le colonialisme et ses conséquences comme l’assimilation culturelle : « Je vous mettrai les pieds dans le plat ou bien tout simplement la main au collet de tout ce qui m’emmerde en gros caractères, colonisation, civilisation, assimilation et la suite ». En dénonçant le système colonial, Damas s’en prend par la même occasion à ses congénères dont il reproche la nuisible passivité, en cédant à cette acculturation aliénante (« Nous les gueux Nous les peu Nous les rien Nous les chiens Nous les maigres Nous les Nègres Qu’attendons-nous (…) Pour jouer aux fous Pisser un coup Tout à l’envie Contre la vie Stupide et bête Qui nous est faite »). L’auteur se sert ainsi de la littérature pour éveiller les consciences, en cherchant à faire de ses compatriotes des hommes libérés, fiers de leur culture, de leur identité et débarrassés de l’assimilation culturelle installée par la machine coloniale.