Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne a fait l'objet d'une double publication. Tout d'abord, le récit est paru sous forme de feuilleton dans le Magasin d'éducation et de récréation de Hetzel entre le 20 mars 1869 et le 20 juin 1870. Les rebondissements qui concluent de nombreux chapitres doivent ainsi être compris comme des manières d'entretenir le désir de découvrir la suite des aventures et d'acheter le numéro suivant du périodique. La première partie du roman fut ensuite éditée en novembre 1869, la deuxième en juin 1870, d'abord sans illustrations.
Dans notre roman se rencontrent le mouvement du romantisme et la promotion de l'esprit scientifique caractéristique du XIXe siècle. Du romantisme, on retiendra avant tout le thème de la confrontation de l'homme solitaire à une nature sublime, suscitant l'effroi et la fascination par ses spectacles grandioses et menaçants, mais également la méditation sur l'histoire humaine et la critique des inégalités politiques. Jules Verne ne cache pas son admiration pour Victor Hugo et le combat avec le poulpe géant (II, XVIII) est une réécriture d'un passage célèbre des Travailleurs de la mer (1866), assurément une source d'inspiration pour notre auteur.
L'inspiration scientifique confère à notre ouvrage une originalité de ton certaine. Le roman se veut éducatif et scientifique et Jules Verne n'esquive pas les développements théoriques ou techniques. Le caractère totalisant de Vingt mille lieues sous les mers en témoigne. À la différence du Mur invisible, où l'expérience de la nature s'effectue au sein d'un espace limité, contraint, le roman de Verne est caractérisé par la diversité des lieux explorés et la vitesse de leur traversée (la Méditerranée en deux jours !, voilà l'ancienne odyssée d'Ulysse bien dépassée). Ce prodige technique qu'est le Nautilus change le rapport à la nature. L'esprit de totalisation anime également les nombreuses nomenclatures qui parsèment l'ouvrage.
D'un côté, donc, le goût de la nature ; de l'autre, la fascination pour la technique, l'exaltation de l'esprit humain et de la culture. Nemo, grand esprit et pourfendeur de l'humanité ordinaire, condense ses tensions dans sa propre personne (et dans sa bibliothèque). Faut-il donc lire Vingt Mille Lieues sous les mers comme une célébration de la puissance exploratrice de l'homme ou comme la description d'une expérience de la nature qui interroge notre orgueil humain ?