Petit rappel de Terminale. Pour un philosophe tel que Hobbes (1588-1679), l'état de nature est « un état de guerre de tous contre tous » qu'il est bon de quitter. Le problème politique premier consisterait donc à sortir de cet état défini par l'absence d'institutions étatiques. Mais Rousseau (1772-1778), dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes infléchira les analyses hobbesiennes. Contre ce dernier, il soutiendra que l'homme à l'état de nature est un animal borné et paisible. C'est la civilisation et les injustices sociales qui développeraient en l'homme des passions mauvaises telles que l'amour propre. Dès lors, l'état de nature n'apparaît plus comme un état à fuir, mais comme une norme, sans doute fictive, qui permet d'évaluer les bienfaits et les méfaits de la civilisation. C'est en ce sens que Rousseau écrit dans la préface de son discours : « ce n'est pas une légère entreprise de démêler ce qu'il y a d'originaire et d'artificiel dans la nature actuelle de l'homme, et de bien connaître un état qui n'existe plus, qui n'a peut-être point existé, qui probablement n'existera jamais, et dont il est pourtant nécessaire d'avoir des notions justes pour bien juger de notre état présent. »
Quoi qu'il en soit de ces discussions sur l'état de nature (état de guerre ou état paisible ?, état réel ou fictif ?), l'expérience de la nature offre souvent un contrepoint critique à la vie civilisée. Le retour vers la nature permet de prendre des distances avec ce qu'il y a d'artificiel, d'aliénant, voire de dénaturé dans les modes de vie modernes, urbains, affairés dont les hommes s'enorgueillissent parfois un peu rapidement. Par exemple, l'écrivain américain Thoreau a fait de son séjour dans une cabane en forêt l'occasion d'une critique sociale. Dans Walden ou la vie dans les bois (1854), il constate ainsi que « dans le temps qu'elle a passé à perfectionner nos maisons, la civilisation n'a pas perfectionné de même les hommes appelés à les habiter. Elle a créé des palais, mais il était plus malaisé de créer des gentilshommes et des rois. Et si le but poursuivi par l'homme civilisé n'est pas plus respectable que celui du sauvage, […], pourquoi aurait-il une meilleure habitation que l'autre ? »
Cette veine critique se retrouve aussi bien dans Vingt Mille Lieues sous les mers ou Le Mur invisible, et même, à y regarder de près, dans La Connaissance de la vie.