Marlen Haushofer (Marlen Frauendorfer de son nom de jeune fille) est née le 11 avril 1920 à Molln en Haute-Autriche. Son père était garde-forestier, sa mère femme de chambre. Après avoir obtenu son baccalauréat et entrepris des études de philologie, elle épouse Manfred Haushofer en 1941 alors qu'elle est enceinte d'un autre homme. Le couple se sépare en 1950 et se reconstitue en 1957. Mère de deux garçons, elle doit alors s'acquitter des tâches domestiques et assister son mari qui est dentiste. Ces obligations familiales et professionnelles ne sont guère compatibles avec son activité de romancière et elle doit se lever très tôt ou se coucher très tard pour écrire. L'œuvre de Marlen Haushofer comporte six romans : Une poignée de vies (1955), La Porte dérobée (1957), Nous avons tué Stella (1958), Le Mur invisible (1963), Sous un ciel infini (1966), Dans la mansarde (1969). Les thèmes de l'enfermement, de la dureté de la condition féminine, de la nostalgie de l'enfance et de la nature y sont récurrents.
Le Mur invisible, le plus connu de ses romans, est souvent considéré comme une œuvre de science-fiction, mais on peut également le lire comme une réécriture des aventures de Robinson Crusoé (« une robinsonnade ») ou un écrit écologique et féministe. En effet, si la mystérieuse catastrophe initiale et l'apparition d'un mur invisible échappent aux codes du roman réaliste, la suite du récit explore le quotidien d'une femme confrontée à une solitude tempérée par la présence des animaux et à la nécessité de survivre dans la nature. Les transformations personnelles qu'une telle aventure induit donnent lieu à des méditations prosaïques et poétiques sur l'expérience de la nature, mais aussi à des réflexions critiques sur l'aliénation de l'homme civilisé et sur la fragilité de l'identité individuelle.
Intitulé sèchement Die Wand en allemand (« Le Mur »), le roman a pour toile de fond les abominations de la Seconde Guerre mondiale, la menace nucléaire causée par la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS et la prise de conscience des menaces écologiques. Aussi bien pour la narratrice que pour l'autrice, l'acte d'écrire apparaît comme une manière d'éviter la dislocation de son identité humaine et d'explorer un mode de vie plus libre et plus innocent. On n'oubliera pas toutefois que le récit qu'entreprend la narratrice a pour origine un drame (un homicide, à vrai dire) et une culpabilité dont l'objet reste à identifier.