Dans les années 1920, une révolution esthétique voit le jour en France. Elle est dénommée surréalisme et consiste, selon la célèbre définition d’André Breton, en un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. ». Cette « dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale », se retrouve dans la littérature francophone négro-africaine. Aussi, est-il aisé de parler de « surréalisme dans la littérature francophone négro-africaine ».

Cela est d’autant plus manifeste qu’à la fin de la première moitié du XXe siècle, les tenants de la littérature francophone ont des liens avec ceux de la littérature française, c’est l’exemple de la littérature dite du procès du colonialisme et du surréalisme. En effet, des relations d’amitié se sont nouées, d’une part, entre Robert Desnos et Léon Gontran Damas, et d’autre part, entre André Breton et Aimé Césaire.

La littérature francophone autour de Césaire et de Damas se caractérise par le discours poétique et politique de la liberté de l’individu et de la collectivité. C’est donc un discours révolutionnaire qui rappelle la démarche surréaliste. Le surréalisme francophone consiste en une esthétique de la subversion qui s’incarne dans le primitif, reflétant l’inconscient individuel ou collectif, pour donner lieu à une écriture automatique, comme sous l’emprise d’un dérèglement de la pensée. Chez Léopold Sédar Senghor, le surréalisme francophone est repérable dans la poésie où il se manifeste à travers le style (le parler à l’africaine sur le modèle du griot traditionaliste) et l’adoption d’une langue et d’une écriture conforme à son message et à son tempérament, comme il l’avait déclaré au Festival mondial des arts nègres.

La lecture des œuvres francophones montre que le surréalisme se manifeste également dans le traitement littéraire de la vision de l’homme noir, dans la revalorisation des valeurs de civilisation du Noir, et dans les rites et pratiques liés à l’animisme. Il s’agit alors de la poétique d’un univers inconscient, qui échappe d’ailleurs à toute approche rationnelle. Et si, dans ses textes, Senghor évoque les « Esprits », les totems, et autres croyances, Césaire quant à lui, souligne la pratique du vaudou et autres croyances ancrées dans l’imaginaire des Sud-Américains.

Le surréalisme a envahi la littérature francophone. Il est repérable dans les œuvres africaines et des Caraïbes. En servant à traduire le militantisme des auteurs, dans le prolongement de la Négritude, le surréalisme francophone négro-africain permet, par la même occasion, de véhiculer les croyances et la vision du monde noir.