La tragédie du roi Christophe illustre un théâtre de société. L’action commence avec l’investiture de Christophe par le Sénat en tant que président de la République. A la surprise générale, Christophe n’exprime pas sa reconnaissance, mais se verse plutôt dans une critique acerbe de l’institution républicaine et de la représentation populaire qui lui confie le mandat de dirigeant. Par la suite, Christophe instaure une royauté. Il élabore un programme de gouvernance pour le développement d’Haïti fondé sur le travail, la foi et l’enthousiasme. Cependant, il est si rigoureux qu’il devient le principal obstacle de son ambition. D’ailleurs, lors du repas anniversaire du couronnement, son épouse lui reproche sa démesure et sa rigueur qui risquent de nuire à son projet politique, à lui-même et à ses enfants. Frappé d’une paralysie qui le met en marge de la scène politique haïtienne, le roi Christophe apprend qu’une guerre civile éclate, que les siens se combattent et que la ville de Port-au-Prince est assiégée. Il finit par mourir et ne bénéficie pas des honneurs du royaume : il est enterré debout, son corps étant tourné vers le sud.
L’ampleur de l’action théâtrale fait découvrir un grand nombre de personnages. Il y a eu près de 40. Ils s’organisent en personnages militaires (Boyer, général des armées de Pétion Guerrier, général de l’armée de Christophe), personnages religieux (Corneille Brelle et Juan de Dios Gonzales, archevêques du cap), personnages politiques (Pétion et Christophe). A ces personnages, il faut ajouter le peuple et d’autres personnages comme le diplomate Franco de Médina, le médecin du roi, Steward et les Royal-Dahomet, cette sorte de police de proximité du pouvoir.
La tragédie du roi Christophe développe les thèmes suivants : l’exercice du pouvoir (gouvernance politique de Christophe), la situation du peuple haïtien (le sous-développement), la postulation au développement (la stratégie pour le développement d’Haïti), la référence à l’Afrique, en termes de croyances : divinité, pratiques mystiques, rituel païen, terroir (« Congo »), appareil politique (« royauté »), image de l’Afrique mère convoquée comme refuge par Christophe acculée par l’infirmité. Les procédés d’expression employés dans la pièce de Césaire sont notamment la périphrase (« débris de mes rêves »), les hispanismes (tasajo), la métaphore (« faim de faire »), les images (« image de la marche ») pour traduire le plan de développement : « un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas. »
La tragédie du roi Christophe illustre une création théâtrale qui s’inspire de l’histoire pour poser et analyser le sort d’un personnage et d’une communauté. Non seulement, il met en lumière le destin mouvementé de Christophe, mais également, il peint le sous-développement qui mine Haïti.
C’est donc une œuvre qui évoque avec beaucoup de réalisme la condition du peuple noir en Amérique latine. Sous ce rapport, la pièce illustre, avec le genre dramatique, le projet de peinture du monde noir qui sous-tend d’ailleurs l’œuvre littéraire d’Aimé Césaire.