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Batouala de René Maran

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La vie de l'auteur

Batouala, premier roman de la « négritude », a été écrit par René Maran, un Martiniquais, né à Fort-de-France, le 5 novembre 1887, de parents Français et noirs. Il fait ses classes à Bordeaux et ses études supérieures à Paris.

Hormis le sport (escrime et rugby), le jeune Maran se passionnera très vite pour l'écriture et il publiera, dès 1909, un recueil de poèmes, La Maison du bonheur. Son expérience africaine, en 1912, comme administrateur des colonies en Oubangui, bouleverse son existence et son travail d'écrivain. Un premier récit, Djogoni rend compte de cette expérience et du trouble où le jette la situation de Noir chargé de représenter auprès des Noirs la puissance coloniale.

Mais c'est Batouala qui exprime sa prise de conscience du sort que la colonisation fait subir aux populations indigènes. Le manuscrit est accepté et le livre proposé pour le prix Goncourt en 1921.

René Maran obtient ainsi ce prix qui récompense un premier roman. Mais la préface choque et entraîne contre l'auteur une violente campagne de presse qui l'oblige à démissionner de son poste d’administrateur de colonie.

Maran se lancera plus tard dans l’écriture poétique, puis la rédaction d’autobiographies de grandes personnalités historiques. Ce précurseur de la négritude, chantée à partir de 1945 par Césaire ou Senghor, meurt en 1960.

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Après la parution de Batouala et le succès dont il a fait l’objet, Maran, après s’être retiré de l’administration coloniale, continuera d’écrire ; il se lancera dans la rédaction d’œuvres poétiques et romanesques : Le Visage calme (en 1922), Les Belles Images (en 1935) et la publication d’une série d’histoires animalières, dont Mbala, l’éléphant (en 1942).

Plus tard, pour vivre, René Maran se mettra à la production de biographies historiques, comme celle de Félix Éboué (qui s’est rallié au général de Gaulle dès l’appel du 18 juin 1940 et dont les cendres reposent au Panthéon). Par ailleurs, son appartenance problématique à une double culture (celle du colonisateur et celle du colonisé) l’amène à écrire Un homme pareil aux autres (en 1947), roman où il évoque l’amère condition de l’homme noir apprivoisé.

L'œuvre intégrale de Batouala

Batouala, premier roman de son auteur, écrit dans un style naturaliste, expose les mœurs et traditions d'une tribu d'Oubangui-Chari (Afrique-Équatoriale française), dirigée par le chef nommé Batouala.

L'écriture de Batouala est liée à l'expérience de Maran en tant qu'administrateur colonial. La rédaction dure près de cinq ans. L'auteur est alors en poste en Afrique subsaharienne. Il veut décrire la vie quotidienne d'un chef de tribu dans un « style exact et minutieux ». La fin de la guerre lui permet d'achever le roman, qu'il termine en 1920. Le 15 mai 1921, Maran signe avec Albin Michel le contrat d'édition de Batouala, tiré à 5 000 exemplaires. Le 15 décembre 1921, le prix Goncourt est attribué au texte.

René Maran effectuera une réécriture du roman qui fera l'objet d'une nouvelle édition, publiée en 1938, également chez Albin Michel.

Structure de l'œuvre intégrale

La préface, qui évoque les conditions de l'élaboration du roman et son contexte, critique de façon acerbe les excès du colonialisme et appelle les Français de métropole, notamment les intellectuels, à mettre fin aux abus.

Le chapitre 1 introduit le personnage de Batouala le « mokoundji », à travers une scène de réveil matinal au côté de sa favorite Yassigui'ndja ; il décrit longuement, de façon comique, le chien Djouma.

Le chapitre 2 présente la scène de la matinée où le partage des tâches se fait entre Batouala et Yassigui'ndja. S'ensuit alors un passage de réflexion sur les Blancs, exploiteurs étranges et inquiétants. Le déroulement de la journée continue avec un dialogue entre d'autres villages par tam-tams interposés au sujet de l'organisation de la fête des « Ga'nzas ». Le chapitre se clôt sur un panoramique nocturne après l'introduction du rival de Batouala, Bissini'ngui.

Le chapitre 3 présente plus en avant le personnage de Yassigui'ndja et expose la situation amoureuse de Batouala qui vit également avec huit autres compagnes. On apprend par la suite que Yassigui'ndja s'éprend de Bissini'ngui et doit le rencontrer, mais elle le surprend avec une autre femme ; décidant de repartir, elle est surprise par une panthère et ne doit son salut qu'à l'arrivée de Batouala et de son rival. Batouala commence dès lors à avoir des soupçons.

Le chapitre 4 prend place trois jours avant la fête ; au cours d'une joute verbale, Yassigui'ndja s'attaque à sa rivale I'ndouvoura au sujet de Bissini'ngui. Il se clôt sur une scène de tempête richement détaillée qui laisse place à la nuit et au calme sur un nouveau panorama.

Le chapitre 5 voit se réunir tous les villages de la région pour la fête des « Ga'nzas », s'ensuivent de longues palabres sur l'exploitation coloniale et le mépris des Blancs à leur encontre.

Le chapitre 6 décrit la fête rituelle des « Ga'nzas » qui marque le passage à l'âge adulte des garçons et des filles. L’apogée de la cérémonie est la circoncision et l'excision des jeunes aux rythmes des incantations, danses, chants et instruments traditionnels. À la suite de cette scène décrite dans les moindres détails, les participants sont dispersés par des agents coloniaux revenus tout juste en poste et le père de Batouala est retrouvé mort, sans doute en raison d'une trop forte ingestion d'alcool rituel.

Le chapitre 7 présente la cérémonie funèbre du père de Batouala et développe une longue réflexion sur l'importance de la coutume, fruit de la sagesse des anciens. Batouala y assiste en compagnie de son rival, tous deux mûrissent des plans de vengeance et sont conscients de la réciprocité de leurs desseins.

Le chapitre 8 développe le personnage de Bissini'ngui à travers l'épisode d'une rencontre avec Yassigui'ndja. S'ensuit une longue discussion où l'on apprend que cette dernière est jugée responsable de la mort du père de Batouala et se sent donc en danger de mort. Elle promet alors fidélité à Bissini'ngui, lui demandant de fuir avec elle, mais celui-ci lui propose d'attendre la fin des chasses, Bissini'ngui nourrissant le projet de rejoindre la milice à Bangui.

Le chapitre 9 présente Bissini'ngui en pleine réflexion nocturne sur le moyen d'assassiner son rival Batouala. Alors qu'il suit un sentier, il use de sa capacité à lire la brousse pour trouver son chemin et tombe nez à nez avec Batouala, sa mère et son chien.

Le chapitre 10 voit Batouala, complètement ivre, livrer ses secrets sur les mythes bandas à son rival, non sans quelques menaces. L'entrevue est interrompue par l'arrivée d'habitants perdus d'un village voisin, le projet de meurtre est remis à plus tard.

Le chapitre 11 décrit le processus de la chasse, détaille les méthodes de traque et de capture, les différents animaux, évoque une histoire singulière sur un Blanc chasseur de M'balas (éléphants) et s'achève sur le signal du début de chasse : un grand feu pour précipiter les animaux à la merci des chasseurs.

Le chapitre 12 décrit la scène de chasse, les bienfaits du feu et les différents rôles des chasseurs. En plein massacre, une panthère surgit ; se jetant de côté pour éviter la bête, Bissini'ngui évite de justesse la sagaie que Batouala lui avait lancée. En réaction à ce jet, la panthère blesse au ventre Batouala d'un coup de patte et s'enfuit.

Le chapitre 13 suit enfin la longue agonie de Batouala, implacable malgré tous les soins plus ou moins magiques apportés et au terme desquels est évoqué le partage de ses biens et de ses femmes. Le grand chef s'éteint sur des dernières paroles blâmant les Blancs et leur travail forcé pendant que Bissini'ngui et Yassigui'ndja s'unissent dans des étreintes amoureuses avant de s'enfuir dans la nuit.

Résumé de l'œuvre et personnages principaux

Le résumé de l'œuvre

Batouala, grand chef du pays banda, excellent guerrier et chef religieux, est devenu vieux. Le roman s'attache au début à ses pensées ordinaires (comme celle de savoir si se lever vaut désormais la peine), mais aussi à son point de vue sur la colonisation, les coutumes et la vie en général. Chargé d'une importante cérémonie, la fête des « Ga'nzas », il se méfie d'un concurrent en amour, le jeune et fougueux Bissibi'ngui, qui cherche à séduire sa favorite, Yassigui'ndja. La mort du père de Batouala lors de la fête engendre des tensions au terme desquelles Yassigui'ndja se voit attribuer la responsabilité de cette mort, hâtant le projet d'assassinat que Bissibi'ngui nourrit à l'encontre de Batouala. Au cours d'une chasse, Batouala est gravement griffé par une panthère. Il agonise alors longuement, témoin de la dilapidation de ses biens et du départ de ses femmes, dont sa favorite qui part avec Bissibi'ngui.

Les principaux personnages et leur rôle

Batouala, le personnage principal, est chef (le « mokoundji ») de plusieurs villages, grand chasseur, guerrier aux nombreuses conquêtes. Il défend la coutume ainsi que la tradition et critique les colons.

Yassigui'ndja, son épouse favorite, intelligente, belle et fidèle, joue un rôle central dans le récit. Malgré l'affection qu'elle porte à son mari (tout en tolérant sa pratique polygamique), elle finit par s'éprendre de Bissibi'ngui plus jeune et plus dynamique.

Bissibi'ngui, excellent guerrier, fin chasseur et d'une grande beauté, s'éprend de Yassigui'ndja. Par la suite, il ne cesse de réfléchir au moyen de tuer son rival afin de fuir avec elle à Bangui.

Les Bandas sont l'ethnie des villages sous l'autorité de Batouala. Ils interviennent notamment à travers le son omniprésent des tam-tams et d'autres instruments qui rythment le récit, dans la scène de la fête des « Ga'nzas » et lors des chasses. Le roman présente de nombreuses scènes de palabres avec Batouala.

Djouma, chien de Batouala est présent dans le récit. De nombreux passages adoptent en effet le point de vue de Djouma, témoin clandestin de nombreuses scènes. Il bénéficie entre autres d'un traitement relativement comique.

Les administrateurs coloniaux incarnent les maux et la brutalité que dénonce René Maran. Absents physiquement de la plus grande partie du récit, ils n'interviennent que pour disperser les Bandas, refusant en revanche leur aide lorsqu'ils sont sollicités. Ils sont surtout présents par les réflexions de Batouala et les palabres des Bandas. Ils sont généralement dépeints comme absurdes et cruels.

Les thèmes abordés dans l'œuvre

Les thèmes majeurs abordés dans Batouala sont :

  • Une critique du colonialisme français, notamment dans sa préface qui fait date par son réquisitoire contre les excès du colonialisme français. Mais Maran, lui-même fonctionnaire de l'administration coloniale (de 1910 à 1923), ne dénonce pas le colonialisme en tant que tel.

  • Un roman précurseur de lNégritude. Batouala a été perçu, a posteriori, comme un roman issu de ce mouvement intellectuel apparut dans l'entre-deux-guerres sous l'impulsion de personnalités comme Aimé Césaire ou Léopold Sédar Senghor, avec l'influence notable de la renaissance de Harlem (sous l’impulsion de William Edward Burghardt Dubois).

Portée esthétique et idéologie de l'œuvre

Batouala a également été perçu, a posteriori, comme un roman précurseur de la négritude. Senghor dit à propos de la négritude qu'elle est « l'ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu'elles s'expriment dans la vie, les institutions et les œuvres des Noirs » et fait de Maran un précurseur lorsqu'il rédige l'article « René Maran précurseur de la Négritude » en 1964.

De plus, Senghor affirme : « Après Batouala, on ne pourra plus faire vivre, travailler, aimer, pleurer, rire, parler les Nègres comme les Blancs. Il ne s’agira même plus de leur faire parler "petit nègre", mais wolof, malinké, ewondo en français ».

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