Compréhension et compétences d’interprétation

1. Les personnages présents dans le texte sont le narrateur, sa mère et le père du narrateur.

Le personnage féminin est la mère du narrateur : elle est née au Rwanda (« son pays natal »), parle un dialecte africain (« je la surprenais en train de parler kinvarwanda » ; elle se montre concernée par les événements qui se déroulent au Rwanda : « Mais elle n'avait pas réagi, complètement absorbée par les images qui défilaient à l'écran.».

 

2.  Le narrateur observe sa mère par curiosité car il ne sait rien d’elle ni de ses origines. « comme elle taisait totalement ses origines ». Il cherche des indices pour découvrir d’où vient sa mère qui refuse d’en parler : « Quand je l'interrogeais, elle restait évasive ».

Le narrateur l’observe également par inquiétude face au changement d’attitude de sa mère lorsqu’elle téléphone à l’étranger : « […] en faisaient une autre personne ». Le mystère entourant les origines de sa mère le perturbe : « une aura mystérieuse qui me troublait profondément », « une sensation fugace et désagréable me parcourait ».

 

3. a. Le pays natal de la mère évoqué dans les médias est le Rwanda au moment du génocide de 1994 (voir le titre de la photographie) qui a causé de nombreux morts et qui est marqué par la violence : « un magma d'images de mort, de violence et d'exode », « barbarie lointaine », « les scènes d'horreur ».  

b. Face aux images diffusées à la télévision, les parents semblent hypnotisés (« absorbée par les images qui défilaient à l'écran »), paralysés par la violence et l’horreur qui s’en dégagent : « nos regards fixant l'écran, nos fourchettes suspendues, figés comme des statues » et mangent en silence : « Nous restions ensuite silencieux ». Le père du narrateur exprime une gêne, un malaise face à l’inquiétude de son fils : « Voyant ma fébrilité, un regard gêné et dissuasif ».

 

4. La violence du conflit est mise en valeur par l’emploi de la métaphore du « magma » qui rend compte de la dimension dévastatrice des images télévisées : les images de mort défilent, se succèdent sur l’écran comme la lave destructrice d’un volcan. On relève aussi la métaphore filée « s’est déversée dans nos assiettes » pour exprimer combien cette violence perturbe le repas familial.

Enfin, l’énumération ou accumulation : « de mort, de violence et d’exode » qui suit dans la phrase crée un effet d’amplification qui rend compte des horreurs du génocide.

 

5. Les "terribles maux de ventre" (ligne 29) du personnage s’expliquent par une réaction physique du narrateur face aux horreurs des images télévisées. Le corps exprime l’angoisse ressenti à la vue des reportages par des douleurs physiques, qui sont psychosomatiques.

Cette souffrance physique rend compte également du sentiment d’impuissance qui naît de l’impossibilité de réagir : il ne parvient pas à digérer la souffrance et la mort qui lui sont exposées au moment du repas (« Chez nous, la sensibilité du téléspectateur était avalée comme une bouchée de silence. »). Regarder avec passivité sur l’écran de télévision les atrocités du génocide constitue une véritable souffrance et est d’une violence extrême pour le narrateur.

 

6. La photographie prise par Yasuyoshi Chiba pour l’AFP représente « Une femme portant un enfant devant un mur où sont inscrits les noms des victimes du génocide rwandais de 1994, à Kigali, capitale du Rwanda ». L’arrière-plan de la photographie, qui est très sombre, est constitué d’une partie d’un mur commémoratif du génocide rwandais de 1994, tandis que le texte de Gaël Faye évoque la quantité de victimes du massacre de la population rwandaise : « images de mort, de violence, d’exode » et « scènes d’horreur ».

En premier plan, la présence de la femme vue de dos, portant un enfant, debout devant le mémorial, crée un contraste à travers la blancheur de sa tenue : représenter une mère et son enfant suggère l’idée d’une transmission des événements tragiques de l’Histoire afin de ne pas oublier. Or, dans le texte de Gaël Faye, cette transmission de la mémoire collective n’a pas lieu, puisque la mère du narrateur cache à son fils son passé et ses origines : « elle restait évasive », « une sensation fugace et désagréable me parcourait. Celle de ne rien savoir de cette personne avec qui je vivais depuis toujours. Le terrible sentiment de ne pas connaître cette femme. Ma propre mère. ».

Enfin, l’arrière-plan de couleur sombre et l’attitude de la femme tournée vers la liste des noms de victimes renvoient au deuil, à l’image d’un recueillement face aux noms des morts. Cette liste composée de sept colonnes sur la photographie et qui semble ne pas finir produit par ce qu’elle évoque, la multitude des morts, une prise de conscience chez le spectateur et est, de là,  perçue avec une certaine souffrance, ce qui rappelle la mention des « terribles maux de ventre » du narrateur : « susceptibles de heurter la sensibilité des téléspectateurs ».


Grammaire et compétences linguistiques

1. Le verbe « restions » est l’imparfait de l’indicatif de « rester ». Il exprime la durée.

a) « religieusement » est un adverbe.

b) C’est un complément circonstanciel de manière du verbe "regardions ». En effet, il est supprimable (« Le Rwanda est arrivé dans ma vie par la télévision, que nous regardions religieusement à l'heure du dîner. ») et déplaçable (« la télévisionquenous regardions à l'heure du dîner religieusement).

2. Le verbe « épier » a le sens  d’observer discrètement et secrètement, de loin. Le narrateur regarde en cachette sa mère pendant qu'elle téléphone, pour essayer de comprendre ce qu'elle dit et avec qui elle parle.

Les synonymes de « épier » sont : « surveiller », « observer », « guetter », « espionner ».

3. Si bien que lorsque je les surprenais en train de parler kinyarwanda lors d'une conversation téléphonique et les entendais s'exprimer couramment dans cette langue inconnue, je m'arrêtais, stupéfait. Je n'ai jamais su avec qui ils conversaient. Quand je les interrogeais, ils restaient évasifs, parlaient de « vieilles connaissances » ou de leur « lointaine famille à Bruxelles ». Je profitais de ces appels pour les épier.

 

Rédaction

Sujet d’imagination

Attendus de l’épreuve : Il s’agit de la rédaction d’une lettre : il faudra donc respecter tous les codes de la lettre (date, expéditeur mentionné au moins dans la signature, le destinataire dans la formule d’entrée, les formules de politesse avec une certaine familiarité dans l’expression) et utiliser les caractéristiques de l’énoncé ancré dans la situation d’énonciation.  

L’emploi des temps de l’énonciation (énoncé ancré dans la situation d’énonciation) correspond à ceux d’une lettre au présent pour exprimer le moment de l’écriture et au passé si l’auteur de la lettre se réfère à des événements passés, le moment du souvenir.

Le texte doit recourir au discours narratif après avoir vu ») et au discours argumentatif pour s’interroger sur la violence du conflit et justifier du besoin d’exprimer ses sentiments.

Le vocabulaire des sentiments et des émotions doit être très présent dans la lettre et le ton doit relever du tragique et du pathétique.

 

Sujet de réflexion

Le sujet porte sur le programme de 3e sur la fonction de l'art face à la violence et à la réalité. Il s’appuie sur la culture générale et artistique des élèves, en particulier sur les œuvres d’art (peinture, littérature, cinéma, photographie, sculpture, bande dessinée, musique) qu’ils connaissent ou ont pu étudier en classe au collège illustrant des tragédies ou la représentation de la violence. 

Les œuvres d’art peuvent apporter un témoignage artistique sur les événements violents et traumatiques de l'histoire, mais elles ont aussi pour fonction de de pouvoir informer, sensibiliser, émouvoir le public : l’art permet de rendre compte de la réalité pour mieux la faire comprendre et susciter l'empathie, la sympathie, la pitié du spectateur ou du lecteur. Enfin, les œuvres d’art inscrivent dans la mémoire collective les événements de l’histoire par leur universalité.

Quelques exemples : 
  • sur les ravages de la Première et Deuxième Guerre mondiale : Guernica de Picasso (souvent étudié en cours d’espagnol), les peintures d’Otto Dix, comme les Gueules cassées, le film Apocalypse Now de Coppola.
  • sur les génocides : Nuit et Brouillard d'Alain Resnais, Shoah de Claude Lanzmann, le roman graphique Maus d'Art Spiegelman.

  • sur la violence sociale : Les Misérables de Victor Hugo, Germinal de Zola, les films de Ken Loach.

  • sur les dictatures : 1984 d'Orwell, Persépolis de Marjane Satrapi.

  • sur la colonisation et l'esclavage : Beloved de Toni Morrison, 12 Years a Slave de Steve McQueen.

  • sur les conflits contemporains : photographies de guerre de Robert Capa, Petit Pays de Gaël Faye.

  • sur la violence urbaine : La Haine de Mathieu Kassovitz, tags et street art engagé.

  • chansons engagées et leurs clips comme Bloody Sunday de U2, sur le massacre de protestants lors d’une marche pacifique par les soldats britanniques en Irlande du Nord en 1972.