Analyse linéaire de la tirade de Dorante, Le Menteur de Corneille (1644) 📝

Dorante est un virtuose de l’invention, et cette tirade le prouve magistralement. Dans l’Acte II, scène 5 du Menteur, il déploie un récit imaginaire d’une incroyable précision pour convaincre son père qu’il est déjà marié… à une femme qui n’existe pas. Ce passage est un moment de bravoure rhétorique, où mensonge, mémoire et théâtre s’entremêlent. Dans cette fiche, on décortique chaque rouage de cette scène clé pour t’aider à réussir ton oral du bac.

Contexte de la tirade

Dans cette scène, Dorante cherche à se soustraire au mariage arrangé par son père. Pour cela, il invente un mariage fictif avec Orphise, rencontrée à Poitiers. Son arme ? La parole. Dorante livre un récit détaillé, incarné, presque cinématographique, qui sert à la fois de diversion et de déclaration de son indépendance.

Corneille détourne ici les codes héroïques de ses tragédies pour les mettre au service du comique. La tirade devient une mise en scène du mensonge, où le spectateur, complice, savoure l’audace du personnage.

Un récit de conquête amoureuse… totalement inventé

v.605 à 616 : La fiction d’un amour passionné

Dorante commence par dresser le tableau d’un coup de foudre irrésistible : « Une âme de rocher ne s’en fût pas sauvée ». L’expression exagère volontairement l’effet produit par la mystérieuse Orphise. L’amour, chez lui, a des allures d’assaut militaire : œil vainqueur, assujettit mon cœur, conquêtes...

Les temps du récit (passé simple, imparfait) rythment l’histoire et lui donnent un vernis de vraisemblance. Le champ lexical est celui de la séduction galante, avec des mots comme faveurs secrètes, objet charmant, plaire. Dorante construit un passé fictif crédible, fluide, où chaque action semble découler de la précédente.

Une mise en scène digne d’une comédie

v.617 à la fin : L’art du détail… et du ridicule maîtrisé

Le récit bascule : un soir, Dorante monte dans la chambre de sa bien-aimée. Là, coup de théâtre : le père rentre. L’événement est raconté avec une précision burlesque : le second de septembre, il monte, il frappe, elle transit, pâlit, rougit…

La narration passe alors au présent de narration, ce qui accélère le rythme et crée une tension digne d’un vaudeville. On a presque l’impression de voir la scène se jouer devant nos yeux. Mais le plus savoureux, c’est la réaction de la jeune fille, qui feint l’innocence avec un aplomb admirable. Dorante lui rend hommage : qu’elle eût d’esprit et d’art !

C’est du théâtre dans le théâtre : une scène inventée, mais racontée avec tant de vie qu’on s’y laisse prendre.

Ce qu’il faut retenir pour le bac

Points-clés à connaître

Lieu dans l’intrigue : Dorante veut échapper au mariage prévu par son père.
Stratégie : il fabrique une histoire d’amour et de mariage passée pour dissuader son père.
Style : récit fluide, ponctué de détails, de dates, de rebondissements.
Registres mêlés :
- comique : situation absurde (amant caché dans la chambre, amour éclair),
- pathétique : émotions feintes (rougissements, peur),
- épique : conquête de l’amour comme une guerre.

À dire à l’oral

Montre que Dorante est un acteur dans l’âme, capable de raconter une fiction comme une vérité.
Analyse la richesse du langage de la séduction, mêlant galanterie, lyrisme, et exagération.
Souligne l’effet comique produit par l’hypotypose (description vive d’une scène imaginaire).
Sois prêt à répondre à des questions comme :
- Pourquoi ce mensonge est-il si détaillé ?
- En quoi cette tirade amuse-t-elle le spectateur ?
- Ce récit est-il crédible ? Pourquoi Corneille veut-il qu’on le croie… tout en sachant que c’est faux ?

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FAQ – La tirade de Dorante en 4 questions

Pourquoi cette scène est-elle une tirade ?

Parce que Dorante parle longuement sans interruption, livrant un récit continu, structuré, qui mélange récit et persuasion. C’est un monologue argumentatif masqué.

Dorante croit-il à ce qu’il raconte ?

Non, mais il prend plaisir à convaincre. Il joue un rôle, improvise avec talent. C’est un mensonge assumé, mais dit avec une telle assurance qu’on finit par y croire… un peu.

Pourquoi la scène fonctionne-t-elle au théâtre ?

Grâce à l’effet de présent de narration, à la richesse des descriptions, et à la tension comique (le père qui arrive, l’amant caché). C’est cinématographique et burlesque à la fois.

Quel est le lien avec le reste de la pièce ?

Cette scène condense le talent de Dorante : il manipule, enjolive, amuse. C’est une démonstration de son génie du mensonge, et le début d’un enchaînement de quiproquos à venir.