Analyse linéaire de la stratégie amoureuse de Lucrèce, Corneille, Le Menteur (1644) 💌

Dans cette ultime manœuvre de Le Menteur, Lucrèce prend les commandes de l’intrigue amoureuse. Méfiante mais lucide, elle organise une véritable mise à l’épreuve de Dorante. Ce passage (v. 1359 à 1388) dévoile une femme stratège, qui choisit de tester son prétendant à travers un jeu de feintes et de médiation par sa servante Sabine. Le comique se mêle ici à la ruse et à l’intelligence sentimentale.

Dans cette fiche, on t’explique pas à pas les enjeux de ce dialogue piquant, pour briller à l’oral du bac : contexte, analyse linéaire, procédés clés et conseils pour ton exposé.

Contexte de la scène

Le Menteur, comédie de Pierre Corneille jouée en 1644, revisite les codes du théâtre classique en mêlant mensonge, quiproquos et séduction. Dorante, jeune homme brillant mais mythomane, multiplie les récits fictifs pour séduire.

La scène analysée se déroule à l’acte V. Dorante a déclaré sa flamme à Lucrèce… mais par le biais d’une lettre transmise contre argent à sa suivante, Sabine. Ce geste galant douteux fait hésiter Lucrèce. Dans cette scène, elle confie à Sabine une stratégie amoureuse subtile, fondée sur la ruse et le contrôle.

Première partie : L’argent, révélateur des intentions

v.1359 à 1373 : entre scepticisme et comique de situation

Dès les premiers vers, Lucrèce ne cache pas son agacement : Dorante lui paraît trop passionné pour être honnête. Le terme « fourbe » revient plusieurs fois, soulignant son doute sur la sincérité du jeune homme. En opposition, Sabine réplique avec malice qu’elle ne croit pas ses paroles… mais bien « ses pistoles » !

Cette formule percutante donne le ton : l’argent devient ici un moteur de comique. Sabine adopte un ton faussement solennel, en vantant la « valeur indubitable » du don de Dorante. Son discours déborde de formules emphatiques et d’allitérations, comme pour mimer une rhétorique d’amour fondée sur des preuves matérielles.

Ce passage dévoile un écart social et moral : là où Lucrèce valorise la réserve, Sabine joue avec les codes de la séduction pragmatique. Le tout avec un humour grinçant qui fait mouche.

Deuxième partie : une tactique bien ficelée

v.1374 à 1383 : Feindre l’indifférence, organiser la rencontre

Lucrèce, tout en condamnant les manœuvres financières, ne rejette pas l’idée d’une possible rencontre. Elle ordonne à Sabine de mentir à Dorante : dire qu’elle a déchiré sa lettre sans la lire. Mais elle nuance aussitôt ce rejet apparent : il faut adoucir le message, glisser quelques mots doux, suggérer que le temps pourrait faire son œuvre.

En clair : elle installe volontairement le flou. Elle ne veut pas rejeter Dorante, mais surtout éviter de se livrer trop vite. Ce jeu d’ambiguïté nourrit la tension dramatique et reflète la finesse psychologique du personnage.

Troisième partie : Entre mise à distance et espoir dosé

v.1384 à 1388 : entretenir la flamme sans s’y brûler

Sabine insiste : Dorante souffre, il est sincère, il gémit la nuit. Elle évoque les « peines », les soupirs, les plaintes – un registre élégiaque, quasi lyrique, censé attendrir sa maîtresse.

Mais Lucrèce garde la tête froide : elle ne cède pas, mais n’écarte pas non plus l’espoir. Elle conseille de moduler le message, de ne pas promettre, mais de laisser entrevoir une issue possible. Les impératifs directs (« Donne-lui », « Sache ») montrent qu’elle dirige entièrement la situation, même à distance.

On comprend alors que Lucrèce n’est pas une amoureuse passive, mais une actrice stratégique, dans un monde où le paraître vaut souvent plus que l’être.

À retenir pour l’oral du bac

Points essentiels à maîtriser

Scène située à l’Acte V, dans le dénouement de la pièce.
Lucrèce orchestre une mise à l’épreuve de Dorante à travers Sabine.
Les registres mêlés : comique (argent, décalage des répliques) et lyrique (souffrances amoureuses).
Dorante est absent, mais omniprésent par les paroles des deux femmes.
Sabine : personnage pivot, valet-médiateur à la manière du théâtre classique.
Stratégie de demi-aveu : Lucrèce crée une ouverture tout en gardant la main.

Ce que tu peux dire à l’oral

Insiste sur la maîtrise de Lucrèce : elle transforme une déclaration maladroite en opportunité de test amoureux.
Montre comment le théâtre est ici un jeu d’apparences, où le vrai se cache derrière le faux.
Analyse les procédés comiques (répliques ciselées, apartés, ironie) et le rôle de Sabine dans la dynamique de la scène.

Prépare des réponses à des questions comme :

En quoi Lucrèce incarne-t-elle une figure féminine forte ?
Pourquoi cette scène est-elle comique malgré la tension sentimentale ?
Quelle place tient Sabine dans l’intrigue et le ton de la pièce ?

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FAQ – Comprendre la stratégie amoureuse de Lucrèce dans Le Menteur

Pourquoi Lucrèce demande-t-elle à Sabine de mentir ?

Parce qu’elle veut tester Dorante sans se compromettre. En feignant le rejet puis en glissant une ouverture, elle maîtrise le rythme de la séduction et conserve le pouvoir dans l’échange.

En quoi cette scène est-elle typique du théâtre classique ?

On y retrouve plusieurs codes comiques classiques :

un valet messager,
un stratagème amoureux,
le théâtre dans le théâtre (jeu de rôle, masques, feinte).

La scène repose sur des malentendus volontaires et un art du double langage.

Peut-on dire que Lucrèce domine cette scène ?

Oui, clairement. Même si Dorante est absent, Lucrèce organise, dirige, contrôle. Elle choisit ce que Sabine doit dire ou ne pas dire. C’est une femme d’esprit, fine stratège, qui refuse de se laisser séduire sans conditions.

Quel est le rôle de Sabine ici ?

Elle est bien plus qu’une simple servante. Sabine fait avancer l’intrigue. Elle traduit, reformule, module les émotions. C’est aussi un ressort comique puissant, grâce à ses remarques pleines de malice.

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